Le report de l’entrée en application de l’examen pour l’accès à la carte professionnelle vtc (article R3122-13 du décret no 2014-1725 du 30 décembre 2014), a suscité ces derniers jours beaucoup de réactions de la part des acteurs du secteur. Quels sont les enjeux de la mise en place de cet examen, quelles conséquences doit-on attendre de cette réforme ?
Professionnel… ou amateur ?
Le propre d’une activité professionnelle est fondé sur des savoir-faire et des savoir-être spécifiques à une activité répondant à des « règles de l’art », mais aussi à des compétences qui permettent de demander une rémunération en échange du service rendu. Le client qui s’adresse à un professionnel, est en droit d’attendre que celui-ci lui fournisse un service homogène, de qualité, dans le respect de la réglementation et des règles de sécurité. C’est dans cet esprit que l’organisation d’une formation professionnelle est pensée : établir des standards, assurer au client payant un niveau de compétence, et donner au futur professionnel un avenir fondé sur les compétences nécessaires à son développement. La mise en place de cet examen vtc est une mesure qui doit aller dans le sens de cette professionnalisation du secteur VTC. Malheureusement, cette mesure est accompagnée d’une disposition rendant la formation facultative. De plus cet examen sous la forme de 50 QCM avec 20 réponses fausses admises, est totalement contradictoire avec l’exigence de vérification des compétences pratiques qui sont indispensables au métier de chauffeur de personnes.
Courbe du chômage !
Alors, pourquoi une telle mesure, qui nivelle par le bas cette profession qui avait su s’imposer et capter sa clientèle grâce à la qualité de son service ? Nous devinons tous, par cette disposition, la stratégie, non dissimulée, du gouvernement qui privilégie l’arrivée massive de personnes actuellement au chômage, au détriment des professionnels déjà en activité et des clients en attente d’un service sûr et qualitatif. Les propos du ministre de l’économie sont très clairs : « Je préfère avoir un jeune derrière un volant, plutôt qu’au RSA ». C’est un peu vite oublier que derrière ce jeune se trouve un client, et que sans formation, dans ce milieu concurrentiel, le jeune se retrouvera bien vite au RSA !
Une activité de bon sens ?
Certains acteurs du secteur, affirment qu’exercer la profession de chauffeur de personnes ne nécessite pas de formation, et qu’un peu de bon sens est suffisant pour se lancer dans le métier. Il est vrai que l’on trouve toujours des « self-made-men » capables d’adapter leurs expériences passées et connaissant le milieu de l’entreprise afin de mener une activité d’entrepreneur individuel dans de bonnes conditions. Mais nul doute que ces rares personnes ne représentent qu’un maximum de 10% des candidats que nous accueillons actuellement dans nos classes, et qu’un système global doit être fondé sur la prise en compte des 90% restant.
Jeu dangereux des Applications Internet
J’ai récemment entendu sur une radio généraliste, le Président d’une application internet vtc, s’exprimer sur le sujet et approuver sans réserve la mise en place de ce QCM. Celui-ci se positionne dans une logique de « course au chauffeur » afin d’atteindre une taille critique, ce qui, dans ces conditions, ne peut entrainer qu’une baisse du niveau de qualité de service et créer le mécontentement des chauffeurs déjà formés. Il est peut être utile de rappeler que les applications internet vtc sont des intermédiaires entre des chauffeurs qui doivent vivre de leur activité, et des clients qui attendent un service. Il semble évident que couper les liens avec l’une des deux populations (voire les deux) n’est pas une situation d’avenir !
Quelles solutions ?
Il me semble tout d’abord utile de bien prendre conscience que le moteur du développement de l’activité vtc, c’est bien la qualité de service à un prix raisonnable. Si l’on veut continuer à capter une clientèle toujours plus nombreuse, il est vital de sanctuariser ce principe !
Bien entendu, l’accès à la profession peut-être plus rapide, tout en étant qualitatif. Je propose donc la mise en place d’une formation d’une durée de 3 semaines (120 heures), ponctuée d’un examen théorique et pratique effectué au sein des centres de formation et d’examen possédant un nouvel agrément au conditions plus strictes.
En attendant des nouvelles négociations, auxquelles nous espérons prendre part en tant qu’organisme de formation, Je vous souhaite de très bonnes fêtes de fin d’année !
Bonne route, drive safe !
Julien MASUYER
Bonjour Monsieur Masuyer,
Votre réflexion est pertinente et ouvre enfin le débat pour un droit de réponse des centres de formations. Merci pour cela.
Toutefois, je ne suis pas tout à fait d’accord lorsque vous dites « que le moteur du développement de l’activité VTC, c’est bien la qualité de service à un prix raisonnable ».
Qu’est-ce que vous entendez par qualité de service et par prix raisonnable?
Pour ma part, la qualité de service regroupe la taxonomie des savoirs: savoir, savoir-faire, savoir-être et même savoir devenir.
Dans ce sens, j’ai du mal à imaginer des VTC formés en 3 semaines lorsque nous avons des stagiaires qui parlent tout juste français, qui ne savent pas situer sur une carte les départements de l’Ile de France, n’ont aucune connaissances sur Paris ou encore l’histoire de France, n’ont aucune notions en terme de communication, j’en passe et des meilleurs.
Par ailleurs, la matière première du VTC pour travailler est le véhicule. En tant qu’enseignante de la conduite et Ingénieur en gestion des risques et risques routiers, je peux vous garantir qu’il y a fort à faire en terme de conduite basique, d’apprentissage code de la route et correction de pratique.
D’autre part, le deuxième élément majeur du VTC pour exercer, est son permis de conduire.
Savez-vous ce qu’ils connaissent de leur permis à point, comment et combien ils peuvent récupérer leurs points, l’histoire de leur permis etc? Et bien pas grand chose pour ne pas dire rien.
Ou encore, en tant qu’humain, connaissent-ils leurs limitent physiologiques, l’homéostasie du risque, la perception, l’anticipation, la fatigue et la somnolence ? Non et pourtant ils nous transportent.
Cependant, je suis tout à fait disposée à réfléchir comme vous (et partir sur une base de 130h) s’il s’agit de former des VTC pour UBER ou autres partenaires friands de conducteurs qui ne demandent pas plus que de conduire 10h par jour voir plus 6j/7 sans rechigner du genre: « Conduit et tais-toi ».
Là d’accord, inutile d’aller au delà de 100h, mettre le coût de la formation à moitié prix et continuons à conditionner des VTC Low Cost.
Ce n’est pas ma vision de cette pratique et aspire à bien mieux tant pour le VTC lui-même que pour le client.
Alors pour ma part, ma solution tendrait plus vers des formations à plusieurs vitesses ou niveaux comme vous le souhaitez:
Formation pour VTC Uber (je vous rejoints, inutile de faire du chichi avec 250h)
Formation pour VTC 1er niveau (niveau anglais très correct, bonne culture générale, sécurité routière approfondie…)
Formation pour VTC 2ème niveau par exemple. (parfaitement bilingue, initier au Russe et/ou Chinois, initiation protection physique des personnes, car-jacking, excellente culture générale, stage en conciergerie, en hôtellerie…), le tout avec les examens de passage en cohérence.
Alors effectivement, un agrément adapté au choix de formation dispensé par le directeur pédagogique et les compétences avérées des formateurs en termes de transmission de savoirs, deviendrait plus logique et forcément le coût de la formation serait adapté.
Il y a de la clientèle pour tous types de VTC.
Ne généralisons pas s’il vous plait, la formation du VTC à un service UBER jugeant lui-même la qualité des VTC en mettant en oeuvre un système de notation plus que critiquable et qui stress les chauffeurs.
Il me semble alors que la formation soit bien au centre de la problématique VTC.
On pourrait peut-être imaginer, comme dans beaucoup de métiers, que la formation ait plusieurs niveaux en termes d’apprentissage: laisser le choix au VTC de devenir le praticien qu’il souhaite être et le laisser monter en quelque sorte en grade au gré de ses besoins, de ses envies, de ses possibilités dans les centres de formations adaptés. Le client a alors aussi le choix du service et les centres de formations deviennent distincts et reconnus pour ce qu’ils souhaitent revendiquer.
Merci de m’avoir lu et au plaisir de vous lire dans ce débat enrichissant.
Bien cordialement,
Sandra Poyet
Directrice Pédagogique EFP VTC DE NOS REGIONS
Bonjour Mme POYET, merci pour votre commentaire très pertinent.
Dans un monde idéal, nous pouvons bien sûr imaginer une formation idéale qui permettrait d’aborder et même d’approfondir une très grande quantité de compétences utiles à l’activité de chauffeur de personnes. Malheureusement ce monde idéal n’existe pas… et il s’est très récemment mué en « état d’urgence économique ».
Tout ce que vous dites est juste, et nous mettons un point d’honneur à réaliser des formations qui permettent aux futurs stagiaires de débuter dans les meilleures conditions en abordant tous les sujets que vous évoquez. Bien sûr, il ne seront pas traités avec autant de profondeur qu’avec le double du temps, mais cela permet à nos stagiaires de prendre conscience de ce qui est « must to know » face au « nice to know ».
La solution de stages à plusieurs niveaux est une bonne idée… mais est elle viable économiquement ?
Nous avons choisi la solution de la spécialisation en proposant un stage exclusif de conducteur de sécurité pour ceux de nos stagiaires vtc qui ont l’envie et les capacités d’exercer dans un secteur différent du tr